Bonjour Maud, tu rentres tout juste d’un voyage en Asie au cours duquel tu as visité les trois centres Passerelles numériques. Peux-tu nous expliquer quels étaient les objectifs de cette « tournée » ?
Le but principal était tout simplement de nourrir le lien et la connaissance entre le terrain et le CA, afin d’éclairer son action. En somme, encore mieux se connaître, dans les deux sens !
La responsabilité du CA est d’accompagner PN dans les choix décisifs et les orientations qu’elle prend. Pour jouer ce rôle, c’était important pour moi de venir rencontrer les équipes en place, pouvoir ainsi constater par moi-même nos actions dans les centres et participer quelques heures, quelques jours à leur fonctionnement, à leur quotidien… Avoir la possibilité de rencontrer les équipes, les familles, les partenaires et les étudiants est réellement éclairant, et évidemment très motivant, très encourageant.
Pour les équipes aussi, ce fut l’opportunité de mieux saisir le rôle des membres du CA, de connaître ces acteurs « un peu lointains » dont la mission est parfois mal connue.
Enfin, ce fut l’occasion d’établir un dialogue sur les changements qu’engage Passerelles numériques en ce moment.
A ce sujet, le Conseil d’administration de Passerelles numériques a changé en novembre 2014, c’est d’ailleurs à cette occasion que tu l’as rejoint. Quelles sont les défis, les ambitions et les objectifs définis par les nouveaux membres ? Quels seront les moyens mis en œuvre ?
A mon sens, le rôle du CA reste le même : donner les moyens à Passerelles numériques de mener sa mission là où elle est nécessaire, c’est-à-dire, être un acteur pertinent, efficient, pour faire « une vraie différence » auprès des étudiants, de leurs familles, des pays où nous intervenons ; dans le respect des principes fondamentaux de notre approche (nos 5 piliers).
Mais les conditions et l’environnement dans lesquels nous menons cette mission ont évolué entrainant le CA à prendre de structurantes décisions.
Quelques exemples de cela :
- Les besoins des entreprises en compétences informatiques évoluent en permanence et à un rythme élevé.
- Nos financements doivent désormais trouver davantage leurs sources dans une Asie en pleine expansion.
- Les paysages éducatifs des pays où nous intervenons ont beaucoup changé depuis 10 ans et une forme de « concurrence » – un excellent signe en soi – nous oblige à enrichir nos dispositifs éducatifs pour que notre diplôme Passerelles numériques reste attractif et reconnu.
Cela a amené le CA à prendre notamment une importante décision qui est le choix de la proximité. En décidant de baser la quasi-totalité de nos équipes en Asie en 2016, nous faisons le choix de nous positionner encore plus près des entreprises, des acteurs de l’éducation, des financeurs, mais aussi des étudiants et de tous nos partenaires. Et ainsi pouvoir répondre à leurs besoins, en étant innovant, évolutifs, agiles, précurseurs aussi.
A propos de proximité, quelles sont les rencontres, découvertes ou expériences les plus marquantes vécues lors de ton récent déplacement ?
La plus bouleversante… La visite de la famille d’un étudiant de PN Philippines, dans les environs de Cebu. J’ai beau connaître les conditions de dénuement dans lesquelles vivent les familles que nous accompagnons – j’ai visité beaucoup de foyers similaires il y a 15 ans, dans d’autres régions d’Asie – c’est une réalité qui vous frappe, qui vous gifle presque. Et qui vous encourage.
En deux heures d’échanges, en face à face, dans leur maison, j’ai encore une fois été touchée par la chaleur de leur accueil, l’attention portée aux études des enfants, et la dureté de leur quotidien.
La plus amusante… L’heure d’échanges et de quiz improvisés avec tous les étudiants de PN Cambodge dans la grande salle du dernier étage de l’école. Nous avons bien ri, avant de me laisser guider par deux d’entre eux à travers les salles de classe et de repos, et dans leurs foyers.
La plus interpellante… Le jeune patron d’une start-up philippine dans le secteur du web marketing, décrivant les raisons qui l’amène à être un des plus fidèles partenaires de PN et employeurs de nos diplômés ; tout en soulignant les challenges que notre formation doit savoir gérer :
- « coller » à des besoins IT toujours mouvants,
- tout en maintenant la force spécifique des étudiants PN : leur relationnel, leur engagement et leur adaptabilité,
- et en développant autant que possible notre « autonomie financière », et donc une certaine liberté d’action.
C’est aussi au cours de ce genre d’échanges avec nos partenaires que le terme « passerelle » prend son sens.
Tu as rejoint l’aventure PN il y a 10 ans ! Alors que nous fêtons cet anniversaire en 2015, peux-tu nous raconter ta rencontre avec Passerelles numériques ?
C’est une histoire de « passerelles » depuis le début !! Véritablement. Celle tissée en 2003 entre Accenture et les salariés de l’entreprise (redécouvrez ici l’histoire de ce beau partenariat), sous l’impulsion et la coordination d’Enfants du Mékong (EDM) et d’anciens volontaires de l’association. Une passerelle évidente finalement entre des compétences, des besoins et des envies d’engagement.
Ancienne volontaire d’Enfants du Mékong moi-même, j’ai alors contribué à tisser ces liens et à organiser les missions courtes des premiers consultants partant 3 semaines pour soutenir les différentes missions d’EDM au Cambodge, entre 2003 et 2005.
Ce partenariat initial a mué en un projet plus ambitieux : Le CIST (Center for Information System Training) au Cambodge, qui deviendra Passerelles numériques.
J’ai eu alors l’opportunité de partir pour la première étude de marché précédant l’ouverture du CIST (en 2005) et la première mission longue durée en 2006 en tant que Responsable des relations externes. J’étais notamment en charge de préparer les étudiants au stage en entreprise et de les « placer ».
C’est ainsi que j’ai eu la chance d’accompagner de près la naissance de Passerelles numériques.
Quel sont tes meilleurs souvenirs ?
Contribuer à la naissance d’un projet comme celui-ci, c’est évidemment cumuler « les meilleurs souvenirs ». J’en partage trois…
Le premier est un ressenti global : l’esprit « start-up » permanent qui régnait en 2006. La taille relativement petite de la promotion (25 jeunes) nous permettait une incroyable liberté d’action, et d’expérimentation. On parlerait de gestion de projet « test & learn » aujourd’hui. Tout allait vite, de l’idée, à la pratique et au résultat. Dans une ambiance d’engagement et de foisonnement permanent ! Je crois que cela a permis d’installer certains principes et certains outils qui perdurent aujourd’hui.
Les 2 autres sont très concrets :
- La sélection de la seconde promotion. Nous étions un peu en retard dans le calendrier de correction des copies. Un groupe de travail s’est mis en place et nous avons mobilisé tout le staff, une nuit entière, pour finir dans les temps et dans une ambiance incroyable !
- Enfin, réussir le placement des 25 premiers étudiants PN dans des stages intéressants, au sein d’entreprises aussi prestigieuses que l’aéroport de Phnom Penh, les « pages jaunes » locales, Takkral, un des plus grands distributeurs informatique, la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), etc. Et pouvoir annoncer à nos jeunes qu’ils avaient décroché leur première expérience en entreprise.
Imaginez le chemin parcouru en un an par ces 25 étudiants qui, quelques mois auparavant ne connaissaient ni l’informatique, ni le monde de l’entreprise ; cela vous donnera une idée de la joie qui nous animait tous (eux comme nous) à l’idée de les voir réaliser leur premier stage !
Si tu devais partager un message avec les équipes Passerelles numériques sur le terrain, quel serait-il ?
C’est un message de félicitations et de soutien !!
Grâce à ces visites, j’ai encore mieux perçu toute l’incroyable « gymnastique » et agilité que requière un rôle de terrain. Car c’est là que se vivent avec le plus d’intensité toutes les émotions de notre mission d’association : les joies, les difficultés, mais aussi les contradictions : être au plus près des bénéficiaires ; agir et constater chaque jour les progrès, les résultats ; vivre les difficultés du quotidien ; se mobiliser sur une multitude de terrain (de la communication au management, en passant par la sélection, le recrutement, la vie collective, et j’en oublie) ; envisager tout ce qui pourrait être fait de plus ou différemment ; se sentir limité par le temps, les moyens, et souffrir des frustrations que cela engendre ; se sentir parfois si loin de la France, incompris ou peu entendu…
En somme, être en permanence soumis aux injonctions contradictoires de l’engagement, à savoir l’ambition, les besoins et les ressources.
Je n’en suis que plus admirative du travail fait, de l’énergie dépensée, de la créativité constatée dans les 3 centres pour animer et enrichir les dispositifs éducatifs que nous proposons !
En conséquence, je souhaite leur dire : « nourrissez-nous de vos idées, de votre envie de faire « bouger les murs », de faire « plus » et/ou différemment. Le CA partage avec vous cette ambition d’innover et de voir grand pour réaliser la mission de Passerelles numériques ».
Merci Maud !
Retrouvez aussi les autres membres du CA (ici) ainsi que le témoignage d’Alain Goyé et Hakara Tea, deux autres fondateurs de Passerelles numériques, en cliquant ici.